Vélo-sacoches entre Albanie et Macédoine en avril 2010.
A Bari (Italie), nous prenons le ferry pour Durrës, porte d’entrée en Albanie. Ce pays a été l’un des plus fermés de la planète pendant plusieurs décennies. Pensez donc : en 1991, à la chute du communisme, seulement 600 voitures circulaient dans ce pays à portée de rames de l’Italie.
Cet isolement a fasciné plus d’un occidental et c’est dans ce contexte que nous sommes partis en avril 2010 à la découverte vélocipédique de ce pays, dans lequel de nombreux axes de communication étaient encore non asphaltés. L’Albanie est un intrus européen à plus d’un titre. Ici, l’empire ottoman a laissé des traces et les minarets nous rappellent que nous sommes dans le seul pays européen principalement musulman.
A la gare routière de Tirana, nous négocions les services d’un mini-van pour traverser le pays avec notre chargement et nos 2 enfants (2.5 et 6 ans), et ainsi atteindre la ville de Pogradec, marquant le début du périple imaginé. Nous avions pensé louvoyer le long de la frontière albano-macédonienne afin d’atteindre, en une dizaine de jours, le « fjord » de la rivière Drin, situé au nord du pays et au pied des Alpes albanaises. Mais c’était sans compter que les printemps sont particulièrement humides dans ces zones montagneuses bordant l’Adriatique…
Dès la sortie de Tirana, nos repaires d’occidentaux sont malmenés. Le style architectural des faubourgs de la capitale est de type « cubisme bétonneux » et n’est pas sans rappeler les canons de l’architecture urbaine de la Russie soviétique.
La traversée de l’Albanie depuis Tirana nous laisse imaginer à quoi devait ressembler ce pays replié sur lui-même pendant plus de 45 ans. Les stigmates de la peur paranoïaque du voisin est encore bien visible sur les bunkers essaimés le long de la frontière (terrestre et maritime) de ce petit pays.
Pogradec est une station balnéaire surannée, bordant le lac d’Ohrid partagé avec la Macédoine. Le temps est maussade ; par mimétisme le ciel prend la couleur béton. Nous choisissons pour cette nuit, la protection d’un petit hôtel attendant avec impatience le client de la saison estivale. Cette première soirée se passe à jouer au mecano pour remettre en ordre de marche nos montures.
Le 1er jour de notre périple, nous longeons la rive sud de cette petite mer intérieure sur une route, rendue rugueuse par la présence de nombreux nids de poules, et parsemée de bunkers.
Après moins de 10 km, nous atteignons le poste frontière d’un autre temps. Seulement quelques voitures rythment la journée des douaniers qui semblent surpris par notre arrivée discrète !
La frontière internationale forme également un couperet culturel. Les minarets laissent place aux églises orthodoxes.
Le revêtement des routes macédoniennes, aussi rugueuses qu’un billard, nous laisse espérer une arrivée à Ohrid avant la pluie.
Malheureusement la route ne suit pas complètement la rive du lac et certaines montées sévères obligent Gaspard à descendre de selle.
On arrivera finalement dans la grande ville après une bonne journée de vélo…et trempés jusqu’à la moelle. On passera une bonne partie de la soirée à utiliser le sèche-cheveux !
La journée suivante sera consacrée à la visite historique de la belle petite ville d’Ohrid (visite en barque d’un monastère, remparts, …) avec comme une guide, une petite grand-mère rencontrée sur la route et chez qui nous passerons la nuit.
Les enfants auront le privilège de rendre visite à l’école où cette brave dame était institutrice. Après quelques verres de Schnaps bien virils, son mari est fier de nous montrer son vélo dont le nom de la marque en dit long sur l’histoire de la Macédoine : « Partizan » !
Le lendemain, on continuera le tour du lac jusqu’à Struga sur une petite route, en dehors du flot de la circulation automobile.
Après cette ville, nous quittons le lac vers le Nord mais nous sommes contraints d’utiliser une route au trafic important.
Après quelques kilomètres un peu stressant, nous faisons une pause dans un village où un homme vient spontanément donner à nos enfants 2 belles pommes au sirop.
Par sécurité, nous continuons cet itinéraire le long du Drin noir en faisant du stop et en prenant le bus jusqu’à Debar.
Nous retraversons la frontière pour retourner en Albanie.
Le poste frontière traversé, une petite route à faible trafic nous mène à Magellare puis à Peshkopi après quelques montées. L’ambiance côté Albanie est vraiment bien dépaysante et très différente de celle rencontrée en Macédoine.
Les montagnes frontalières (culminant au Mont Titov, 2748 m) forment une barrière en toile de fond à ce paysage campagnard environnant Peshkopi.
C’est ici que devait commencer un beau parcours plus sauvage, en rive droite de la rivière Drin, devant nous mener jusqu’aux Alpes albanaises. Malheureusement la météo albanaise en a décidé autrement… Par prudence face aux pluies diluviennes, aux routes boueuses et défoncées qui nous attendent, nous arrêtons notre traversée à vélo, pour profiter réellement de nos vacances avec nos enfants !
Postface et retour d’expérience
Partant pour une destination méditerranéenne aux étés caniculaires, au niveau vestimentaire nous ne nous étions pas préparés à ces pluies diluviennes. On apprendra plus tard qu’au printemps, ce secteur du Monténégro/Albanie est l’un des plus arrosés d’Europe. Ici les masses d’air chaud et humide qui se dont évaporées sur l’Adriatique viennent ensuite se précipiter sur les reliefs.
Nous avons ainsi été contraints d’abréger notre projet de traversée et de faire du stop pour rentrer à Tirana. Le pays est pourtant très adapté à la pratique du vélo, avec des pistes non asphaltées qui représentent la majeure partie des voies de communication routière du pays. La pratique du vélo-camping en Albanie avec des enfants est néanmoins rendu compliquée par certaines difficultés : (1) les abords des routes sont extrêmement sales ce qui ne simplifie pas le camping
(2) le camping est rendu difficile par l’absence d’infrastructures et par la difficulté de trouver des sites sauvages sur notre parcours, et (3) la conduite des albanais n’est pas ce qu’il y a de plus sécuritaire pour les apprentis cyclistes…
L’isolement des montagnes des Alpes albanaises (et de leurs jumelles monténégrènes du Prokletije) nous laissent pourtant rêveurs et c’est certain, on reviendra dans ce pays « à part » sur le continent européen. Reste à voir si cela sera à pied, à vélo ou à ski de rando …