[Transcaucasie] – De monastères en caravansérails, sur la route de la soie

Du 19 au 27 juillet 2018

Où les monastères arméniens nous charment par leur sobriété, où nous adaptons nos journées face aux fortes chaleurs, où nous confirmons que l’Arménie, ben… c’est pas plat du tout !

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Monastère de Noravank

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Monastère de Khor Virap, face à l’Ararat

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Site de bivouac exceptionnel au-dessus du monastère de Khor Virap, face à l’Ararat

19-20/07/2018 – Goght

En redescendant du massif des Geghama, nous ôtons au fur et à mesure nos vêtements devenus bien trop chauds, avec la perte d’altitude. Si les gelées matinales imposaient bonnets et doudounes, nous rêvons à présent d’un simple maillot de bain dans la vallée de l’Azat. Peu habitués à la chaleur, nous sommes littéralement assommés par le soleil. Mais notre désir de rafraichissement va être exaucé dans le FORMIDABLE camping des 3 Gs (pour Geghard, Goght et Garni) où nous nous installons, à Goght. Nous avions prévu d’y faire une journée de pause et de visites, mais c’était sans le connaître, car nous aurons bien du mal à le quitter, préférant y rester finalement deux jours !

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L’exceptionnel camping 3 Gs (Goght)

Mais que peut bien provoquer ce camping, pour que les voyageurs de passage développent une telle addiction à ce lieu ?! A tel point que les propriétaires ont fixé une règle (négociable, rassurez-vous !) : pas plus de 5 nuits consécutives ! Tout d’abord c’est l’un des deux seuls camping de toute l’Arménie. Oui deux. Mais ça ne suffit pas pour en faire un lieu exceptionnel : ce camping, tenu par Sandra, aidée par son mari Marty, couple de hollandais installé en Arménie, est conçu, pensé, entretenu, pour que chacun se sente chez soi : pièces et cuisine communes, accueillantes, où cuisiner devient un réel plaisir, produits du jardin (fruits, légumes, herbes aromatiques…) laissés librement à disposition de tout le monde, mais surtout un accueil inimitable de Sandra, qui fêtera d’ailleurs l’anniversaire d’une petite voisine avec les campeurs du jour (un motard allemand en attente d’un VISA pour le Pakistan, une motarde hollandaise en vadrouille autour de la mer noire, un couple en camion en partance pour l’Iran et pour une durée indéterminée…). Sans oublier… une PISCINE 🙂 alimentée par les écoulements de la vallée, et très appréciée par ces fortes chaleurs  !

 

Dur dur d’ailleurs de sortir nos ados et le petit frère de cette piscine, afin de leur proposer d’aller faire quelques visites culturelles en plein cagnard ! Mais nous arrivons à négocier tout de même les visites du temple de Garni, situé à peine 4 km en aval du camping, puis du monastère de Geghard, situé en amont.

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L’enseigne d’un restaurant de Garni : « since velvet revolution », un clin d’œil à la « Révolution de velours » arménienne, soulèvement sans précédent du printemps 2018 ayant renversé « en douceur » le président de la République Sarkissian au profit de l’opposant Nikol Pachinian

Le temple de Garni domine majestueusement les gorges d’orgues basaltiques en contrebas. Il témoigne de l’influence grecque jusqu’en Transcaucasie, région alors à la croisée des chemins commerciaux de l’Antiquité.

 

Le monastère de Geghardt, amuse beaucoup nos jeunots : fondé au Vème siècle, il est en partie troglodytique, et les chapelles communiquent entre elles comme dans un labyrinthe. Et même si on n’est pas spécialement amateur d’art religieux (ou de religion tout simplement), impossible de ne pas être fasciné par le dépouillement des lieux : ici, comme dans de nombreuses églises arméniennes, pas de tableaux, de dorures, ou autre « décoration ». Tout se passe sur les murs, car les premiers chrétiens craignaient les pillages et les incendies, ils préférèrent tout inscrire dans la roche : des textes (en alphabet arménien, l’un des plus anciens alphabets du monde, vieux de 1600 ans), d’innombrables croix en dentelles de pierre (les khatchkar), mais aussi de nombreux petits personnages et animaux.

 

21/07/2018 – De Goght à Khor Virap – 50 km – 250 m+

Il nous faut une volonté de fer pour quitter enfin le camping de Sandra, et reprendre nos vélos par cette chaleur, mais après deux jours de farniente, nous décidons d’avancer un peu, tout de même !

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Départ de chez Sandra (à gauche)

Adélie essaiera bien de repousser le départ, avec une technique bien rodée et bien à elle, mais rien n’y fait !! En effet, ce matin on décide de se lever tôt, afin de rouler au frais. Mais c’est sans compter avec notre louloute qui vomit au réveil 😦 : en cause le gâteau à la crème de l’anniversaire, la veille au soir ? La fatigue ? Ou bien l’eau de la piscine ? On ne saura jamais, mais nous arrivons tout de même à décoller, malgré un soleil déjà haut dans le ciel… Adélie fait preuve d’une belle volonté, malgré sa petite forme, notamment pour franchir le petit col raide et très chaud qui nous permet de basculer vers le barrage de l’Azat et la vallée de l’Araxe.

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Architecture et véhicules locaux (hérités de l’URSS), face à l’Ararat

 

Dans la montée du collet, une voiture de pêcheurs s’arrête à notre hauteur : ils nous encouragent, nous donnent une bouteille d’eau congelée, et repartent. Peu après, un autre véhicule stoppe et nous propose de monter Adélie et Titouan au col, nous déclinons la proposition devant leur incompréhension totale !

 

En milieu de journée, face à la chaleur qui devient insupportable (autour de 40°C), nous décidons de nous arrêter dans un petit parc à côté d’un lac, dans la ville d’Artashat. Un homme qui fabrique de la barbe à papa dans son garage nous en donne.

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Fabrique de barbes à papa dans un garage !

Puis nous finissons par atteindre le monastère de Khor Virap, dans un site grandiose face au mont Ararat.

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Arrivée au monastère de Khor Virap, face au Petit Ararat (à g.) et au Grand Ararat (à d. dans les nuages)

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La visite des lieux est à nouveau très ludique ! Les monastères arméniens sont de véritables « parc d’attractions », même pour les locaux, pourtant très croyants ! En effet, les chapelles réservent toujours des escaliers improbables, menant à des salles secrètes, des niches et des renfoncements plus anciens, témoins des premiers lieux de cultes.

 

En soirée, nous reprenons nos vélos pour contourner le promontoire par une piste, et accéder, moyennant un peu de portage, à notre site exceptionnel de bivouac… qui domine le monastère ! Alors que les derniers visiteurs sont partis, Khor Virap et l’Ararat sont à nous !

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Site de bivouac EXCEPTIONNEL !

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A la nuit tombée, les miradors de la frontière (hermétiquement fermée) avec la Turquie s’illuminent, dessinant à nos pieds cette ligne qu’on voit sur les cartes mais qui reste souvent immatérielle. Une frontière douloureuse pour l’Arménie, qui s’est vu amputée notamment de la région de l’Ararat et du berceau de sa culture, avant de connaitre un génocide sans précédent, toujours nié par son voisin turc…

Titouan est fasciné par ce spectacle lumineux, et reste de longues minutes silencieux à observer la Turquie. Les explications des conflits et des guerres que nous lui avons données sur cette région, avec des mots très simples, mélangés aux contes lus chaque soir, remplissent son imaginaire d’enfant. Si bien que, détournant la tête vers un feu de broussailles qui s’étend au loin, il nous interpelle, le plus sérieusement du monde : « Hé regardez ! On dirait qu’il y a une p’tite guerre par là-bas !« . Difficile de comprendre la géopolitique et les bizarreries des hommes quand on a 7 ans.

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Les miradors de la frontière avec la Turquie, et au fond les Petit et Grand Ararat

22/07/2018 – De Khor Virap à Yeghegnadzor – 83 km (dont ~40 km en stop)

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En quittant Khor Virap

Au réveil ce matin, la température monte en flèche. Même si Adélie va mieux, nous préférons ne pas user nos forces sur l’autoroute qui mène au col de Tukhmanuk (1800 m). Le peu que nous avons vu hier nous a suffit. Après la ville d’Ararat, la route longe la frontière avec une enclave de l’Azerbaïdjan, dénommée le Nakhitchevan. Le long de cette route, un merlon de défense a été construit pour se protéger des tirs azéris… Car les relations sont plus que tendues entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan, en particulier suite au dernier soubresaut du conflit, en 2016. Nous préférons faire du « camion-stop » afin de gagner rapidement le col, la fraicheur, et nous éloigner de ces frontières certes calmes actuellement, mais au futur incertain…

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Merlon de défense contre l’Azerbaïdjan (région autonome du Nakhitchevan) qui se trouve… juste derrière.

Ce sont deux arméniens, jeunes papas, qui acceptent de nous avancer sur ce tronçon. Adorables avec nous, ils nous offrent nos premières glaces arméniennes à une station service du village Ararat. Ici, la plupart des véhicules roulent au gaz. Lors du plein, il ne faut pas rester dans le véhicule. Les passagers descendent donc avant que le véhicule arrive à la pompe et remontent lorsqu’il est sorti de la zone « à risque ». Il y a donc toujours un ballet de piétons aux abords des stations services.

 

La journée se poursuit par le col et sa descente, avec les innombrables marchands de fruits au bord des routes : ici chacun vend un peu de sa récolte pour arrondir les fins de mois. Sans argent pour « doper » leurs cultures, l’ensemble des productions familiales de fruits, légumes, en Arménie est donc souvent bio ! Et nous nous régalons ! Abricots, pêches, framboises… mais aussi concombres, miel, confitures, fruits au sirop, galettes fourrées au miel… Les pauses sont innombrables et nous passons nos journées à manger des fruits et des légumes !

 

En milieu de journée, entre deux orages, nous nous arrêtons visiter le monastère de Noravank (tiens, ça faisait longtemps qu’on n’avait pas vu de monastères 😉 !). Ici encore, le site est somptueux, et les accès aux différentes églises sont … aériens ! Pour l’église centrale, il faut grimper un escalier extérieur symétrique, afin d’accéder à l’étage !

Comme toujours, lors de ces visites de monastères, on slalome entre les mariages, qui nous semblent innombrables, à cette époque de l’année en Arménie.

 

Nous reprenons la route sous des grondements de tonnerres lointains et des vols de cigognes, pour arriver au second et dernier camping de toute l’Arménie, celui de Yeghegnadzor Crossway. Il est tenu par des arméniens, et s’inspire de celui de Sandra. Pas vraiment comparable, il est tout de même très agréable, et possède même une petite piscine qui fait le bonheur de tous ! Ici nous rencontrons un couple de sympathiques cyclos français, Aude et Arthur, en voyage de noces durant 3 mois jusqu’en Iran, et travaillant le reste du temps dans des ONG en Irak.

 

 

23/07/2018 – De Yeghenadzor au pied du Selim pass – 22 km – D+ = 700 m

Après une matinée passée dans la piscine du camping, nous reprenons la route en début d’après midi. Heum… ce n’est pas la meilleure idée que nous ayons eu ! Les jambes sont ramollos, la chaleur est écrasante, et Adélie a besoin d’aide pour commencer la montée de 700 m. Même si ensuite on sait qu’elle pédalera efficacement, au démarrage la motivation n’est pas là. Nous décidons alors de sortir l’élastique de tractage, mais il reste introuvable. Nous nous rendons compte que nous l’avons oublié en France… Qu’à cela ne tienne, Ariane bricole une attache avec les sangles des sacoches Ortlieb (prévoir au minimum 4 sangles, clippées les unes aux autres). Accrochées avec un tendeur noué au vélo tracteur, pour conserver l’élasticité, ce système va se révéler redoutable d’efficacité et de solidité !

 

De son côté, Gaspard s’ennuie dans ces montées à allure d’escargots. Lui qui sort d’un stage sportif juste avant notre départ, où il a enchainé à vive allure un certain nombre de grands cols alpins en vélo de route ou en ski roue, le voilà bridé. Même s’il prend régulièrement de l’avance sur tout le monde, il doit nous attendre plus loin. Parfois il redescend, pour remonter avec nous… Il lui faut continuellement composer avec les allures et la forme de son frère et de sa sœur, les arrêts pipi, boisson, grignotage, dont il se passerait bien, et pour la première fois du haut de ses 14 ans, cette organisation familiale lui pèse sincèrement, malgré sa bonne humeur constante. Nous savons qu’il effectue avec nous son dernier voyage à vélo sous cette forme. Il roulera alors de ses propres roues et surtout à sa propre allure !

La montée se poursuit jusqu’à un ancien petit caravanserail, au pied du col, qui servait de relais à celui plus important du Selim Pass, que nous verrons le lendemain.

Nous décidons de dormir à l’abri de la route, près du petit caravanserail. Alors que nous nous installons, un peu plus haut des hommes nous interpellent, dans une petite habitation. Seb monte les voir pour leur demander si nous pouvons dormir ici. Pas de soucis ! Nous sommes les bienvenus ! Mais pour fêter cela, il faut trinquer ! Seb doit s’avaler cul sec des verres de vodka, rude expérience après la montée en plein soleil… Des fois, Ariane est très satisfaite du partage des tâches familiales ! Quand Seb revient planter la tente, il n’est plus tout à fait frais, et un petit mal de tête fait rapidement son apparition !

Dans la soirée, au fond de notre tente, nous restons à l’écoute de nos joyeux voisins, car du renfort arrive, avec d’autres 4×4 et certainement leurs cubis de vodka « maison ». Mais finalement, vers 21-22h, ils repartent tous, plutôt sobres finalement, et le site redevient très calme.

 


24/07/2018 – Du pied du Selim Pass au lac Sevan – 60 km – D+ : 820 m

La montée continue aujourd’hui : après les 700 m de déniv’ d’hier, c’est 820 m de plus que l’on va effectuer pour basculer vers la région du lac Sevan. Alors on part tôt. L’eau commence à manquer en fin de matinée, et nous mourrons tous de soif. Nous nous arrêtons en demander à des apiculteurs, qui par chance, nous dépannent. Non traitée, cette eau est bue par chacun à la paille filtrante, bien pratique dans ce genre de situation où l’on veut se désaltérer rapidement.

 

Nous arrivons enfin au caravanserail du Selim Pass. Témoin des passages de caravanes sur cet axe des routes de la soie, l’intérieur est splendide, avec des puits de lumière et des alcôves sur les côtés.

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« Boutique » de miel, vin arménien, vodka maison et confitures, devant le caravanserail du Selim Pass

 

Nous basculons alors vers le lac Sevan, et des contrées plus tempérées. La suite au prochain épisode !

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Selim pass (2410 m)

2 réflexions sur “[Transcaucasie] – De monastères en caravansérails, sur la route de la soie

  1. Un article qu’on attendait avec impatience 😀 C’est toujours aussi agréable de vous lire, avec des récits équilibrés entre que vous voyez (paysages, culturel) et ce que vous vivez (rencontres, quotidien du voyage à vélo, et quotidien en famille)… Un vrai régal 👍

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  2. Salut Marie et Guillaume, merci pour votre gentil message ! C’est toujours sympa de partager des expériences entre cyclos, ayant un peu la même philosophie des voyages. Plein de bonnes choses à vous 5.

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