Du 28 au 31 juillet 2018
Où nous parcourons la chaine du Bazoum et découvrons une cascade dont nous n’avions pas connaissance, où nous atteignons la frontière avec la Géorgie et quittons à regret l’accueil incomparable des Arméniens.

SALUT !!

Le gaz de la voiture alimente le réchaud de la marmite à maïs !
28/07/2018 – De Sevenavank à Dilijan – 36 km – D+ = 380 m
Nous quittons la presqu’île de Sevan ce matin pour poursuivre notre route vers le nord de l’Arménie.

Sur les hauteurs de Sevan, face à la presqu’île qui était jadis une île
« Cool, on quitte beauf’land !« , nous sortent les enfants.
Beauf’land ?! Quoi, hein, comment ?
Reprenons : nous voyageons cette année avec un ado bien affirmé et une pré-ado, qui passe en mode « ado » par mimétisme avec son frère, donc deux pour le prix d’un ! Deux ados qui revendiquent haut et fort leurs envies, et avec lesquelles il faut impérativement composer.
Alors à Sevan, ne sachant pas où dormir, on a jugé bon, pour ne pas trop les couper de la civilisation nos deux ados, d’en profiter pour se faire un petit bain de foule. Et on a mis la barre haute 🙂 : des plages peuplées, sentant bon le graillon des frites, avec de la musique à fond et des boutiques-souvenirs, et comble du graal, des connexions WiFi à chaque coin de rue… et là, ils retournent leur veste !
Beauf’Land ! Non, mais j’te jure…
« Ok, on remonte dans les montagnes les enfants ! »
« Oh nooon… y’aura plus de WiFi !!!… et plus de frites… »
Ah ben faut savoir…

Bienvenue à « Beauf’Land » : sur la presqu’île de Sevan, se faire photographier dans un siège de loups empaillés est le comble du chic !
Pour éviter à nouveau la 4 voies qui nous avait causé des soucis en arrivant, nous remontons dans les collines, afin d’attraper une jolie piste en balcon. Elle nous mène à la ville de Tsovagyugh au pied du col Semonyovka, que nous atteignons par des petites routes peu passantes.
L’autre versant du col est boisé et contraste fortement avec les paysages de steppes (et de pylônes) traversés depuis plusieurs jours. Nous entrons dans ce que les arméniens appelle la « Petite Suisse ». On croise des groupes de femmes munis de seaux, qui montent à pied cueillir des fruits des bois, pour les vendre certainement plus tard au bord des routes.

Descente du col, la forêt réapparait sur les versants, la fraicheur aussi, et ça fait un bien fou !
Dans la descente sur Dilijan, nous découvrons d’autres délices des bords de routes : la vente de maïs cuit ! EXCELLENT ! Nous faisons un véritable hold-up dans la marmite de la petite dame qui tient le stand où nous décidons de faire une pause. Sa marmite à gaz est alimenté par un tuyau directement branché sur le moteur de la Lada, étonnant mais efficace !
Ce soir nous dormons « Chez Nina », une guest-house à l’entrée de Dilijan. Nous logeons dans une petite maison préfabriquée tout confort, à l’écart de l’habitation principale où sont servis les repas.
29/07/2018 – De Spitak à une cascade de Trchkan dans la chaine du Bazoum – 13 km – D+ = 250 m
Aujourd’hui, nous avons pris une décision compliquée : le temps passe vite et de leur côté, Adélie et Titouan apprécient énormément les journées de pause improvisées. Comme nous nous sommes promis de ne pas reproduire les erreurs de l’an passé (dans la traversée des Alpes), où nous nous étions astreints à respecter un planning d’étapes pré-établi, source de fatigue et de tensions familiales, cette année nous voyageons plus librement, avec davantage d’improvisation. Mais comme le temps n’est pas élastique et que nous aimerions bien atteindre le nord de la Géorgie et approcher certains glaciers du Grand Caucase, nous décidons de raccourcir l’étape du lendemain. Elle n’est pas sans intérêt, mais c’est en transport en commun que nous allons la réaliser. Pour nous les parents, nous aurions vraiment aimé pédaler, mais pour les enfants, si nous voulons conserver des étapes équilibrées et des journées sans vélo, c’est le compromis à accepter.
Alors avant de partir en transport en commun en début d’après-midi, nous profitons du temps libre pour visiter le monastère d’Haghartsin, entièrement restauré, dans le Parc National de Dilijan. Malgré la beauté des lieux, ça y est, nous saturons des visites de monastères 😉 , nous frôlons l’indigestion 🙂 , ce sera donc le dernier, avant de quitter l’Arménie pour la Géorgie, dans quelques jours !
Après cette « coupette » en mini-bus, nous reprenons nos vélos à Spitak. Cette ville fut l’épicentre du terrible tremblement de terre de 1988 (30 000 morts). Nous apprenons aujourd’hui qu’à la suite de ce séisme, la centrale nucléaire de Metsamor (à 30 km à l’ouest de Yerevan) fut fermée. Cette centrale construite par les Russes dans les années 1960 est considérée comme l’une des plus dangereuses au monde, car totalement obsolète et située en zone de forte sismicité. Mais les blocus imposés par la Turquie et l’Azerbaïdjan à l’Arménie, ont poussé celle-ci à remettre en service sa centrale dans les années 1990, pour assurer 40% de la production électrique. La population était contre, mais aujourd’hui, aucune instance internationale ne peut contraindre un état à fermer une centrale présentant un risque majeur, dépassant les seules frontières nationales. Ce fut le cas avant la catastrophe de Fukushima au Japon : certains experts avaient émis des doutes sur la capacité des centrales nippones à résister à un tsunami, des mises en garde qui n’avaient été suivies d’aucunes mesures…

Village de Saralanj, après Spitak

Village de Saralanj, après Spitak
De notre côté, à partir de Spitak, nous reprenons nos vélos pour entrer dans la chaîne du Bazoum via des pistes au départ de Saralanj. Nous croisons des voitures qui reviennent d’une mystérieuse « cascade ».

Les Lada qui reviennent de la « mystérieuse » cascade de Trchkan
Curieux, nous continuons à pédaler malgré la tombée du jour. Sur la piste parfois difficile, car très grasse ou très caillouteuse, les conducteurs des véhicules croisés ne tarissent pas d’encouragements. Jusqu’au moment où une voiture s’arrête à la hauteur d’Ariane et d’Adélie, dans un raidillon. En général, dans ce genre de passage technique, les voitures ou camions anticipent toujours pour nous laisser la priorité. Là ce n’est pas le cas : le chauffeur nous oblige à aller dans le fossé, puis freine à notre hauteur d’un air narquois. Il nous regarde en rigolant avec ses passagers : manifestement il se fiche de nous ! Puis nous sort « Hello brother ! Oh sorry, … heum … sister ? Oh nooo, no… brother, yes, brother.« . Dans la voiture, des rires gras font échos à sa tirade… Il nous fait comprendre par des gestes, que notre activité n’est pas féminine, que notre place n’est pas ici, à pousser un vélo. Dans une société machiste et traditionnelle telle que l’est encore l’Arménie, où les femmes à la naissance ne sont pas les bienvenues, nous n’avions encore jamais été confrontés à ce genre de remarques. Bien au contraire, la bienveillance à notre égard est une constante depuis notre départ. Mais cette réflexion ce soir nous rappelle une discussion avec Sandra, au camping des 3 Gs, à Goght, portant sur l’explosion des avortements sélectifs depuis quelques années en Arménie. En effet, depuis peu, l’Arménie arrive en 3ème place des taux les plus élevés d’avortements sélectifs au monde, après la Chine et l’Azerbaïdjan, suivie de près par la Géorgie. L’Inde arrive derrière… Le déficit de femmes dans les sociétés du Caucase dans quelques années commencent à inquiéter les gouvernements. Sandra nous expliquait également que la tradition veut que le dernier fils reste à la maison pour s’occuper de ses parents âgé, le système de retraite n’existant pas. Mais que fait-on quand on n’a que des filles ? Elle nous racontait que sa voisine avait échangé sa 5ème fille à la naissance, contre un fils, avec une autre famille… Mais la pauvreté n’est pas la cause principale de cette situation dans le Caucase, c’est surtout les mentalités d’une société patriarcales qui font souffrir les femmes.
Dans ces conditions, Ariane et Adélie retirent une toute petite fierté, très particulière, d’être mère et fille à vélo, d’être à leur modeste mesure des sortes d » »ambassadrices » d’une condition féminine qui ne doit plus être un fardeau familial, nulle part dans le monde. Et paradoxalement, les « patriarches » croisés chaque jour, ont toujours un mot gentil pour Adélie et Ariane, une certaine curiosité sympathique : serait-ce alors les mêmes qui encouragent leurs femmes et leur fille à avorter… d’une fille ?

Chaîne du Bazoum

Ici les bus passent PARTOUT !
A la tombée du jour après une piste difficile dans sa dernière partie, nous atteignons la fameuse cascade au nom imprononçable, où nous décidons de planter la tente. Le site, assez prisé des arméniens dans la journée, est très sale : poubelles, papiers toilette, etc… mais nous trouvons un coin parfait pour la nuit.
30/07/2018 – De la cascade de Trchkan à la maison du Parc du lac Arpi – 37 km – D+ = 530 m
Le voyage se poursuit sur des pistes très roulantes à présent, dans un superbe environnement qui nous rappelle énormément le Kirghizstan !
Dans la matinée, une Lada nous double et s’arrête devant nous, un couple en sort avec un grand sourire. Ils ouvrent leur coffre, et commencent à nous remplir des sacs de concombres, de pommes, donnent des sucreries aux enfants, bref ce qu’ils possèdent et vont vendre au marché. Ils sont d’une grande gentillesse et souhaiteraient que nous en prenions davantage, mais nous arrivons déjà difficilement à caser leurs cadeaux dans les sacoches ! Ils repartent comme ils sont arrivés, nous laissant abasourdis par ces gestes généreux que nous avons rencontrés partout sur la planète, mais qui continuent de nous toucher. Quelques kilomètres plus tard, nous dégusterons tout cela sous un arbre à l’ombre, avec un grand plaisir.

Nos charmants donateurs du jour !
Nous retrouvons la route goudronnée peu après le village dénommé … « Salut » !
Le soir, ne trouvant pas d’endroit où dormir, nous nous arrêtons à la maison du Parc National du Lac Arpi. Nous demandons si nous pouvons planter la tente dans le jardin, clôturé et bien tondu. Ici aussi, l’accueil est sympathique, et on nous laisse avoir accès aux toilettes et à l’eau de la cuisine.
31/07/2018 – De la maison du lac du lac Arpi à la frontière puis au lac Saghamo – 47 km – D+ = 350 m
Ce matin, Adélie se fait coiffer par une employée de la maison du Parc, venue essayer un vélo et nous aider de son mieux à ranger le camp. Elle insiste même pour nous faire la vaisselle du p’tit déj, si c’est pas gentil !
La frontière est toute proche, et dans peu de temps nous quitterons l’Arménie pour la Géorgie.
Sur la route, des carcasses de Lada servent de clôtures, on en voit souvent, comme ici, ceinturant un champ dans lequel sèchent des monticules de bouses de vaches, qui seront utilisés dans les poêles pour le chauffage et la cuisine.

La frontière est en vue
Au revoir Arménie, bienvenue Géorgie !
Waouh, ça donne envie d’aller rouler sur vos traces, ça a l’air vraiment chouette par là bas.
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