[Croatie] – Traversée vers les îles de Sveti Grgur et Prvić

Où nous affrontons notre premier coup de mer, où les vestiges de l’Histoire de l’ex-Yougoslavie nous interpellent, où l’île de Prvić nous offre une superbe halte panoramique sur le golfe de Kvarner…

Jour 4

Nous quittons la belle plage de Sahara Beach, déserte le matin avant l’arrivée massive des petits bateaux de tourisme. Nous prenons le temps d’une longue série de baignades, afin de poursuivre notre navigation au frais !

Nous allons aujourd’hui traverser en direction de l’île de Sveti Grgur (île de Saint Grégoire), et pour cela nous visons au plus court entre les deux îles, soit environ 1 km en pleine mer. La navigation est très agréable, au milieu des rochers et des cormorans. Au loin nous distinguons l’île de Goli (île Nue).

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Mais les îles paradisiaques que sont Rab, Goli et Sveti Grgur de nos jours, cachent néanmoins un passé peu glorieux… Lors de la Seconde Guerre mondiale, les îles du golfe de Kvarner furent occupées par les italiens, qui érigèrent un camp de concentration à Rab. Dans le même temps, une ceinture de Bunker fut construite tout autour de Sveti Grgur, devant lesquels nous naviguons aujourd’hui.

A la fin de la Seconde Guerre mondiale, Tito devint le maitre de la Yougoslavie. Dès 1948, il crée un camp d’internement sur l’ile de Goli. Ce « goulag » yougoslave reçu essentiellement des prisonniers politiques masculins, et notamment certains stalinistes. Ce n’est qu’à partir des années 1980, suite à la mort de Tito, que l’existence de ce goulag devint de notoriété publique.

L’ile de Sveti Grgur (Saint-Grégoire) a été le siège, quant à elle,  d’une ancienne mine de bauxite et une prison politique entre 1948 et 1988, destinée à « rééduquer » les femmes. Suite à l’abandon de la mine, le travail des femmes consistait à transporter des pierres… C’est dans ce cadre, qu’une grande étendue en pente a été imperméabilisée à l’aide de blocs de pierre calcaire maçonnés, afin de collecter les eaux de pluie et remplir une citerne, sur cette ile dépourvue de sources. Les « géoglyphes » de Sveti Grgur sont un autre exemple de ce travail éreintant : une étoile (rouge initialement ?) et une inscription géantes de « Tito » ont été dressées sur le relief dominant la baie. Elles sont encore bien visibles sur site et depuis les airs.

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Dispositif de récupération d’eau de pluie pour remplir une citerne, sur l’ile de Sveti Grgur (photo : litore-x.com)

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Inscription « TITO » sur l’île de Sveti Grgur, vue depuis le Nord-Ouest

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Zoom sur l’inscription « TITO » de Sveti Grgur, avec l’étoile rouge

Le vent se lève très vite ce matin, et au nord, la mer commence à moutonner, mais tout heureux de cette belle journée qui s’annonce, nous n’y faisons pas trop attention… Ariane fait remarquer qu’au cap il semble il y avoir du vent, tandis que là où nous sommes (côté ouest) la mer est très calme. Mais cette remarque ne trouve pas d’oreilles attentives, par cette belle matinée ensoleillée. Nous poursuivons donc vers le Nord…

Grave erreur. Au moment de passer le cap nord-ouest de l’île, nous entrons violemment et subitement dans une mer bien formée. Le contraste est saisissant. Nous essayons de nous éloigner des rochers, sur lesquels les vagues viennent se briser avec violence et dans un fracas sinistre. Elles percutent nos kayaks de travers, mais il est pour nous impossible de les négocier de face, car il nous faut contourner le cap. Gaspard est le plus malmené, son kayak étant le moins stable. Des paquets d’eau entrent dans l’embarcation d’Adélie et Ariane, qui n’ont pas mis les jupes, en raison de la chaleur du matin. Un gros coup de stress, car le retournement est interdit ici, en effet, nous aurions toutes les peines du monde à remonter sur nos embarcations avec les vagues, et nous serions très vite ramenés vers la côte et projetés sur les rochers.

Bref, il ne nous reste plus qu’à rester très concentré et groupé, pour vite entrer à l’abri dans la rade Uvala Sveti Grgur. Nous avons le plaisir de constater que nos kayaks sont tout de même bien stables, par des conditions moins favorables que celles que ce que nous avions connues jusque là.

Nous arrivons épuisés dans le petit port, où de nombreux bateaux se sont mis à l’abri pour la journée. Dans l’après-midi, à plusieurs reprises, des bateaux (qui n’ont pas du nous voir arriver 😉 ), viennent à notre rencontre, en nous expliquant qu’il ne faut pas prendre la mer aujourd’hui, car elle est mauvaise, et qu’il vaut mieux attendre l’accalmie du soir… Nous n’osons pas répondre que nous venons de passer le cap dans la matinée, et que oui, en effet, nous avons remarqué que la mer était un tantinet démontée…

Nous décidons de rester au petit port secondaire de la baie, pour la journée. Gaspard s’endort immédiatement pour quelques heures, à l’ombre des arbres de la belle forêt méditerranéenne. Les plus petits font des manips’ de retournement de kayak, histoire d’exorciser une petite crainte qui s’est installée dans la famille… Des daims viennent nous rendre visite.

Puis en fin de journée, la mer se calme progressivement. Comme il est interdit de camper sur Sveti Grgur, nous souhaitons profiter de l’accalmie pour traverser vers Prvic. Nous remontons la côte jusqu’au cap Nord, avisons les conditions pour la traversée, puis décidons que la météo est suffisamment clémente pour poursuivre. Il y a bien quelques vaguelettes résiduelles, mais le vent a totalement disparu, c’est l’essentiel ! La traversée de 3,5 km de mer se déroule sans encombre, avant d’accoster sur la première plage.

Notre plage de bivouac est splendide ce soir. Légèrement en hauteur, nous embrassons le panorama dégagé sur le golfe et les îles au large. La sérénité des lieux contraste avec le petit coup de stress du matin !

Coucher de soleil splendide !

Jour 5

Nous quittons Prvic, en remontant la côte Nord en direction de l’île de Krk (prononcer Keurk !). La mer est très calme, pas la moindre brise, nous étouffons dans nos kayaks ! La traversée orientée plein Nord, de moins d’un kilomètre entre les deux îles, est une simple formalité.

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