1ère partie de la terrrrrrible traversée du désert du Sud Lipez, du 4 au 14 août 2015
2 et 3 août 2015 – Uyuni
On ne prépare pas à la légère la traversée d’un désert comme celui du Sud Lipez avec 5 enfants. On sait que ces étendues minérales et sableuses, sont le royaume du vent, surtout au mois d’août, et qu’il y règne un froid redoutable à cette époque de l’année.
Néanmoins, question engagement, ce n’est pas non plus l’isolement total, puisque de multiples tours opérators sillonnent les pistes du sud Lipez en 4×4.
Pour avoir le maximum d’informations nous avons lu avec attention les sites suivants :
- tout d’abord l’inévitable site Cycle South West Bolivia avec son guide et ses commentaires permettant de disposer d’une vision actualisée de l’état des pistes,
- mais aussi les voyageurs à vélo qui nous ont précédés (sans enfants) et qui décrivent très précisément les terrains rencontrés :
- le site de Pauline et Clément : In Bike WeTrust, avec notamment l’article « Le Sud Lipez pour les nuls«
- le site de Romain et Anne-Claire avec leur tandem Pino.
Nous partons donc pour une semaine à dix jours de vélo sur des pistes réputées comme étant sableuses et difficiles.
Au programme : du sable, de la tôle ondulée , et donc du poussage. Mais aussi du vent, dont on espère qu’il sera, pour une fois, ENFIN dans le bon sens, c’est à dire dans notre dos !
On met à profit les deux journées que nous passons à Uyuni pour préparer au mieux ce qui prend des allures de petite expédition avec nos enfants, qui eux sont motivés, du moment qu’ils passent encore quelques jours avec leurs copains de la famille Garioud !
Côté itinéraire : nous décidons de ne pas réaliser à vélo la portion de route s’avérant longue et monotone, qui longe la voie ferrée entre Uyuni et Avaroa (sur la ligne qui va à Calama au Chili). C’est donc avec deux 4×4 que nous atteignons, après 3h30 de piste la Laguna Hedionda.
Côté matériel : en prévision des poussages que nous allons être obligés d’effectuer, nous décidons de partir le plus léger possible. Une partie de notre matériel est envoyée via les 4×4 des tours-operators (Agence Estrellia del Sur à Uyuni –> Agence Lithium à SPA) directement à San Pedro de Atacama au Chili.
Côté nourriture : il y a des refuges tous les 40-50 km environ sur notre itinéraire, néanmoins, en fonction des terrains rencontrés, nous ne pourrons pas réaliser ces distances. Nous décidons de partir avec une autonomie de 3 jours jusqu’à Huayllaraja (au sud de la Lagune Colorada). Là, nous faisons déposer un carton de nourriture pour 3 à 4 jours supplémentaires. Nous prendrons les repas manquants dans les refuges.
En attendant, les enfants profitent des quelques uniques « attractions » d’Uyuni : le parc de jeux de la place en face de notre hôtel Inti, ainsi que le cimetière des locomotives, un vaste carré de désert dans lequel rouillent des wagons et locomotives du XIX/XXème siècle, Uyuni ayant été une cité ferroviaire en lien avec le transport de minerais.
4 août 2015 – De Uyuni à Chiar Khota
Un trajet en 4×4, puis 4 km de vélo jusqu’à la Laguna Chiar Khota, à 4150 m d’altitude. Il y a un peu de vent, mais il tend à décroître la fin de la journée approchant. Nous commençons à faire les repas dès 16h30, à 18h00, le froid extérieur étant glacial, tout le monde se couche ! Fait rare, nous avons droit à un dessert ce soir : une salade de fruits, avec différents fruits exotiques (grenade, fruit de type corossol…) !
5 août 2015 – De Chiar Khota au corridor sous le col à 4700 m
Ca y est nous entrons dans le vif du sujet, à partir de 10h du matin, le vent tant redouté, devient soutenu, et va nous accompagner jusqu’à notre site de bivouac 22 km plus loin, dans une petite « crique » (4520 m) du corridor sous le col à 4700 m.
Le terrain, plutôt sableux, devient inroulable avec les bourrasques de vent de travers, qui nous jettent à terre !
L’occasion alors de jouer au jeu du « Qui pousse qui ? ».
Les enfants sont remarquables dans l’adversité : tout le monde s’entraide, et lorsque nous nous arrêtons enfin au site de bivouac, ils ont encore une sacrée pêche pour jouer dans les grottes et les rochers ! Gaspard et Thomas nous fabriquent des piques à brochettes, car ce soir c’est « barbeuk’ » ! Bon, il ne faut pas s’attendre à quelque chose de grandiose d’un point de vue gustatif, ce sont toujours les « knackis » locales, mais le site est magnifique !
6 août 2015 – Du col à El Desierto
Aujourd’hui, c’est la « traversée du désert » au sens littéral du terme : nous poussons plus que nous roulons, le sable est impraticable pour tout le monde, et le vent n’arrange rien : pour les PINO, même sur les traces laissées par les 4×4, le petite roue avant de 20 pouces ne permet pas de diriger efficacement le tandem ; quand à Seb, l’écartement des roues de sa remorque dépasse largement le gabarit des roues des 4×4, il roule continuellement dans de grosses épaisseurs de sable, et reste très très loin derrière nous tous. Il n’y a que Gaspard, avec son vélo, qui s’en sort à peu près, il pousse très peu, et arrive à pédaler de manière assez continue, même si le vent de travers le déstabilise souvent.
A 13h30, il faut se rendre à l’évidence : nous n’avons fait que 11 km, nous sommes épuisés, le vent se renforce, il faut trouver une solution de repli. Nous sommes à 2 km de l’embranchement de l’Hotel Tayka del Desierto : nous avons lu dans des témoignages d’autres cyclos, que même si les chambres sont à 150 $, il y a possibilité de dormir gratuitement dans l’annexe en construction.
Après une hésitation de la gérante, nous sommes néanmoins accueillis comme des rois. Le personnel nous laisse une chambre avec 5 lits, dans une annexe en construction, nous propose de prendre la douche (chaude !), et luxe suprême nous amène un sac rempli de victuailles : pêches au sirop, petits pains au fromage, pâtes, sauce tomate, sucettes pour les enfants, confiture, thé, café… On a droit aussi à une boisson au quinoa et cannelle, et le soir, ils nous offriront du thé dans l’hôtel ! Nous cuisinons dans le couloir de l’annexe, au chaud ce soir ! Et Titouan a même droit a une coupe de cheveux, style Playmobil, par Ariane : c’était urgent, il n’y voyait plus rien !
7 août 2015 – De El Desierto à l’Arbol de Piedra
Ce matin, nous devons quitter les lieux vers 8h00. Mais lorsque nous n’avons pas les tentes à plier, et que nous pouvons déjeuner au chaud, les horaires sont plus faciles à respecter ! Le vent ne se lève qu’à 10h30, nous permettant d’avancer efficacement.
Nous croisons un autre cyclo en sens inverse, 2 km après notre départ. Cet américain nous avoue que cette portion de piste est la pire qu’il ait connue… En effet, ce sera pour nous une étape de poussage et roulage sur une tôle ondulée coriace, mais avec le vent dans le dos. Nous nous arrêtons au seul abri existant, une ruine qui sert parfois de camping à certains cyclos et qui nous permet de pic-niquer un peu à l’abri.
Au bout de 31 km, nous arrivons à notre lieu de bivouac : l’Arbol de Piedra, monolithe de pierre (ignimbrite) érodé par l’action combinée du vent et du sable (corrasion). Une fois le ballet des 4×4 terminé, nous avons le site pour nous tout seul ! Le nuit est glaciale (-12/-15°C ?), et on entend siffler le vent au loin, même si nous sommes abrités par des blocs.
8 août 2015 – De l’Arbol de Piedra à Huallajara
Ce matin, l’eau des bouteilles a presque entièrement gelé ! Nous avons du mal a faire les affaires, les doigts sont gelés également. De leur côtés, les 5 enfants sont partis jouer dans les blocs au soleil pendant que nous rangeons.
Nous arrivons au bâtiment de la « Réserve Nationale de Faune Andine Edouardo Avaroa », au nord de la Laguna Colorada. Le droit d’entrée s’élève à 150 bol (pour les moins de 12 ans, c’est gratuit) et nous avons théoriquement 4 jours pour sortir de la réserve (au niveau de la frontière avec le Chili). Le jeune garde, très compétent, nous informe qu’une vague de mauvais temps est prévue pour les 2 prochains jours : du vent fort (ah, bon ? et le vent que nous avons depuis 3 jours, c’est quoi alors ?), et de la neige.
Nous nous arrêtons à la tienda proche du poste de garde, où il est difficile de trouver réellement à manger, mais nous arrivons tout de même à avoir un repas de midi, composé d’œufs au plat et de riz. Pendant que les enfants jouent au chaud, Seb, Nicolas et Emmanuelle se rendent à pied au Mirador, petit sommet qui leur permet d’admirer la Laguna Colorada. Les algues de la lagune lui donne une couleur rouge surréaliste. Cette lagune héberge une avifaune riche et variée, marquée par une présence importante de flamants roses.
Nous reprenons le vélo à 16h00, pour parcourir les 7,5 km restant jusqu’à Huallajara, où nous sommes censés retrouver nos cartons de nourriture. Nous espérons pouvoir dormir dans l’un des refuges vu la force du vent, mais à la tienda, on nous a fait comprendre en partant, que les places sont comptées, et les 4×4 qui nous doublent nous font craindre de passer la nuit dehors…
Avec le soleil qui passe rapidement derrière le relief, ces derniers kilomètres inroulables deviennent un véritable enfer ! Nous mettrons 2h30 pour les parcourir ! A 18h30, nous arrivons congelés à Huallajara. Nicolas et Emmanuelle, arrivés les premiers, trouvent rapidement notre sauveur, Esteban : par chance, il a nos cartons, et surtout une chambre a été réservée pour nous par le chauffeur qui a déposé nos cartons, petit détail que nous ne lui avions pourtant pas précisé !
Nous arrivons dans un refuge, tenu par Luis, un bolivien d’une soixantaine d’années. Il ne peut pas nous faire à manger, car il est tard, mais il fait (presque) chaud et on a le droit de faire notre repas ! Luis s’avère être aux petits soins pour nous, malgré le gros travail qu’il a ce soir dans son refuge.
9 août 2015 – De Huallajara à …. Huallajara !
Après une excellente nuit, la journée s’annonce complexe : c’est la tempête de sable dehors, dès 8h du matin, le vent souffle à plus de 100 km/h. La vision du relief a totalement disparu, dehors c’est un « jour blanc » de sable. Les rafales sur le toit du refuge sont assez impressionnantes, et le sable s’infiltre partout, passe sous le toit, sous les fenêtres, tout est recouvert de sable à l’intérieur.
La décision est prise : personne ne sort du refuge aujourd’hui, c’est trop dangereux, et impraticable dehors. Luis souhaite que nous allions mettre rapidement nos vélos à l’abri, en effet, le vent se renforce encore.
La journée se passe à aider Luis : Emmanuelle s’occupe de la « cuisine », elle n’a jamais vu un bazar pareil, et ne sait pas quoi commencer pour « limpiar » la pièce ! Heureusement qu’aucun service d’hygiène ne passe par là, ce serait l’apocalypse ! Ariane et les enfants nettoient les 3 dortoirs : ici aussi, l’hygiène est déconcertante. Il s’agit de refaire les lits, mais les draps sont rarement changés. Les enfants passent le balai de partout, la tâche est interminable, car le sable rentre de partout ! Nicolas s’attaque aux « banos », les toilettes, quel courage ! En échange, Luis est adorable avec nous, il nous offre le repas du midi, une excellente soupe, et nous installe l’eau chaude dans la douche, chauffée par le poêle.
L’après-midi, le vent souffle toujours violemment, mais le soleil réapparaît. Nous en profitons pour installer des chaises derrière la fenêtre de la salle commune. L’occasion de discuter avec Luis, ancien instituteur. Il nous amène des feuilles de coca et une pâte à base de quinoa. Il nous explique qu’avec ces deux éléments, il a réalisé des exploits dans sa jeunesse : il a ainsi rallié La Paz à San Pedro de Atacama, à pied, en 74 jours, et différentes traversées express.
Les chauffeurs des groupes qui arrivent ce soir nous donnent des nouvelles de la météo : les températures vont chuter ; certains parlent de -30°C ! En attendant, ce soir nous dînons autour d’une bouteille de vin (dégotée dans une petite tienda), fort appréciable ! Luis a préparé des spaghettis avec l’aide d’Emmanuelle, qui a été surprise par certaines pratiques culinaires : pour la sauce tomate, les oignons ne se coupent pas, mais se râpent, et il faut incorporer du chocolat en poudre durant la cuisson !
Ouf, quel défi! Par chance, il semble que vos hotes sympathisent avec vous et prennent plaisir à faciliter votre passage.
Est-ce que le niveau de difficulté de ce parcours dépasse vos prévisions?
C’est fantastisque de constater les capacités d’adaptation de vos enfants. Quel démonstration de force de caractère!
Vous devez être très fier d’eux!
Bravo…mais soyez prudents!
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Quel plaisir de lire votre récit! En plus de nous rappeler des souvenirs cela nous montre qu’il est possible de faire bcp choses, même avec des enfants…
RAC
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