[Transcaucasie] – Sur (et sous !) les routes de Colchide

Du 4 au 10 août 2018

Où nous traversons à nouveau de superbes alpages dans le Parc National de Borjom-Kharagauli, « bercés » par les hurlements nocturnes des loups, où nous marchons dans les entrailles de la terre à la grotte de Prométhée.

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Alpages du Parc National du Borjom-Kharagauli avant la descente sur Sairmé

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Alpages du Parc National du Borjom-Kharagauli au col Zakari

04/08/2018 – De Vardzia à Akhaltshiké – 63 km – D+ = 250 m

La Colchide, c’est le nom antique d’un royaume qui occupait une partie de l’actuel territoire de la Géorgie. Le reste se nommait l’Ibérie. La Colchide apparait dans les mythologies grecques quand il s’agit d’évoquer le triste sort de Prométhée attaché sur son rocher Caucasien, ou encore les aventures de Jason et de sa célèbre Toison d’Or. Elle était donc délimitée par le Petit Caucase au sud, le Grand Caucase au nord, la mer Noire à l’Ouest et l’Ibérie à l’Est.

C’est cette région que nous allons traverser dans les prochains jours.
Aujourd’hui, une belle étape nous attend, le long de la Kora, un fleuve qui prend sa source en Turquie, traverse la capitale géorgienne Tbilissi, puis l’Azerbaïdjan, avant de se jeter dans la mer Caspienne.

L’attentat du Pamir, dont nous avons eu connaissance la veille, a un effet anxiogène sur nous. Chaque voiture, chaque camion qui reste un peu trop près, un peu trop longtemps derrière nous avant de nous doubler, provoque un état de « semi- panique ». Puis lorsque le véhicule nous dépasse, à grands coups de klaxons, d’encouragements, de bras levés, smartphones en main prenant des photos à travers les fenêtres, on se dit qu’on débloque là, et qu’il va falloir qu’on se ressaisisse : tous les chauffeurs de la planète, qui prennent des précautions en doublant des vélos, ne sont pas des djihadistes en puissance, près à leur rouler dessus…

Dans la descente nous nous arrêtons à la forteresse de Khertvisi, du 13ème siècle, mais dont les premières fondations remontent au 2ème siècle avant J.-C. Elle faisait partie du système de défense de la vallée.


Cette longue et belle étape nous mène en fin de journée à Akhaltsikhé, où trouver un hébergement relève du parcours du combattant. Au mois d’aout, les villes touristiques de Géorgie sont sillonnées par des bus de voyages organisés, et les guest-houses et hôtels sont pris d’assaut. Sans réservation préalable, il est difficile de se loger. Mais nous trouvons finalement une chambre à l’hôtel Tiflis, hôtel très récent qui ne doit pas être encore bien connu puisque d’une part, il a de la place, et d’autre part il nous propose une grande chambre ultra-moderne à prix cassés ! On ne va pas refuser !

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Réparateur de vélos sur la bord de la route à Akhaltshiké

 


Chacun se précipite sous la douche, qui marche (pour une fois !) impeccablement, décuplant le plaisir d’évacuer la sueur et la poussière du jour.

Ah… la douche et le cyclo, une longue histoire d’amour ! Quand on a passé plusieurs heures (ou parfois plusieurs jours) à ruisseler au soleil, ou à grelotter sous la pluie, la douche devient le plaisir n°1 du cyclo. Suivi de près par le celui du repas. D’ailleurs, en fonction des priorités, l’ordre peut s’inverser ! C’est pour assouvir le plaisir n°2 (la bouffe), que Seb repart en ville faire les courses. Au retour, il se rend compte qu’il a oublié un sac de courses dans le taxi avec lequel il est rentré à l’hôtel. Mais en fin de soirée, nous avons la surprise de voir le chauffeur de taxi rentrer dans la cour de l’hôtel pour ramener à Seb le fameux sac, que l’on croyait définitivement perdu !

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Miam !! Du chocolat Milka, écrit en cyrillique, ça va nous changer des tablettes locales, qui ont pour ainsi dire un goût… venu d’ailleurs.

05/08/2018 – D’Akhaltshiké à au col Zakari – 44 km – D+ = 750 m

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Devant la porte d’entrée de la forteresse d’Akhaltsikhé

Ce matin, avant de quitter la ville, nous visitons la forteresse d’Akhaltsikhé, restaurée récemment. Elle est surprenante au premier abord, mélangeant tous les styles des contes des mille et une nuit, et ressemblant plus à Disneyland qu’à un véritable palais. Mais on y passe tous un moment agréable, enfin… tous sauf Gaspard. Alors qu’il monte à l’étage d’une tour par un escalier, le voilà qui déloge de la main un nid de guêpes caché sous la rambarde. On l’entend hurler, on le voit gesticuler, puis redescendre quatre à quatre, suivi par un nuage de guêpes… Il s’en débarrasse en trouvant refuge dans une petite pièce sombre. Résultat : 6 nouvelle piqures. Le compteur monte à 11 piqures en trois jours. Alors on rejoue à l’apsi-venin…

La journée se poursuit plus tranquillement, en traversant la station thermale d’Abastoumani, petit village un peu décrépi.

Nous poursuivons en attaquant la montée du col de Zakari sur une piste, d’abord en forêt, puis au milieu de superbes alpages où nous plantons la tente.

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Mais kakaskhidi ? Hein ? Qu’est-ce qu’il dit ?

 

 

06/08/2018 – Du col Zakari à Dimi – 54 km – D+ = 250 m

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Cette nuit nous avons été réveillés à plusieurs reprises par les hurlements des loups, et les aboiements déchainés des chiens qui remplissaient vaillamment leur rôle de protection des troupeaux. Nous espérions depuis le début voir des loups ou des ours, nombreux dans ces régions, mais l’occasion ne s’est jamais présentée. Alors là, entendre les loups toute la nuit, voilà qui nous rend heureux pour la journée !

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Tandis que nous nous levons, les loups sont partis se coucher

Nous poursuivons la montée, avant d’atteindre des alpages où un berger vend du fromage traditionnel, sec et très salé. Puis c’est la descente, sur une piste roulante, qui s’enfonce progressivement dans une forêt dense jusqu’à la station thermale de Sairmé.

Dans les derniers virages avant Sairmé, des champs de ruches bordent la piste de part et d’autre. Et devinez quoi ? Alors que nous sommes en pleine descente, Gaspard est le seul à se faire piquer par une (ou deux ?) abeille(s) qui se coince(nt) sous son short ! On passe sur les détails de la réaction de notre grand fiston qui jette son vélo sur le côté, persuadé que tout un essaim est en train de s’attaquer une nouvelle fois à lui, et on découvre deux nouvelles belles piqures, soit 13 en 4 jours ! De mieux en mieux ! Bon aller, pour ce coup-ci il a droit à un peu de cortisone, anti-allergique, en préventif, sait-on jamais…


La descente se poursuit jusqu’à Dimi et le début de la plaine. Dormir dans un environnement urbain et habité est souvent plus compliqué qu’en montagne. Alors à défaut de trouver un coin de bivouac sympa, nous commençons à chercher un jardin chez quelqu’un.

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La « piste cyclable » de Dimi, sur plusieurs kilomètres, elle permet de rouler à côté de la route en sécurité;

Tandis que nous furetons, une dame nous interpelle derrière son portail et nous demande ce que nous voulons. Nous lui expliquons que nous cherchons à camper (mot magique : « palatka » = tente). Elle traverse alors la rue et nous invite à la suivre chez sa voisine, qui n’est autre que sa sœur. Ça y est, nous venons de trouver LA maison idéale, avec une coin d’herbe bien plat ! C’est donc chez Manana que nous plantons notre tente, tandis que sa soeur Inga revient avec d’autres membres de la famille, car nous apprenons que dans cette rue, tout le monde est cousin !

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Dans le jardin de Manana, qui nous amène une petite table, un nappe et des tabourets. Puis revient avec des beignets et une salade !

Mais avant de planter notre tente, Manana et Inga nous invitent dans leur salon où la télé délivre les actualités. Sur l’écran défile des images de propagande de la guerre de 2008, ayant opposé les russes aux géorgiens au sujet des provinces d’Abkhazie et d’Ossétie du Sud, provinces géorgiennes aujourd’hui sous contrôle russe.

C’est en effet le 7 août 2008, que débuta cette guerre, au cours de laquelle les russes bombardèrent Tbilissi, la capitale fut alors transférée quelques temps à Koutaisi, où nous serons le lendemain. La Géorgie célèbre donc à partir de demain ce triste anniversaire, rappelant à ses citoyens qu’il y a 10 ans, ils perdaient une partie de leur territoire.

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Avec Manana qui nous apporte des khinkalis

07/08/2018 – De Dimi à Kutaisi – 26 km – D+ = 150 m

Au matin, n’ayant pas grand chose à offrir en cadeau à nos hôtes, en échange de la nuit passée chez eux, du repas et du petit déjeuner, nous leur proposons de les payer, à l’instar d’une guest-house. Grand-Dieu ! Que faisons-nous ! Les femmes lèvent les mains au ciel, il n’en est pas question, et si nous insistons trop nous devinons qu’elles seront sincèrement vexées. L’accueil ne se monnaie pas…

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Devant la maison de Manana, avec Russo et Inga

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La route passante jusqu’à Koutaisi

Nous reprenons la route vers Koutaisi, où la circulation est dense et rapide, réclamant toute notre vigilance, surtout quand les véhicules se dépassent à trois de front…

Nous croisons à deux reprises des cyclos en sens inverse.

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Marchand de pastèques au bord de la route

C’est à l’hôtel Eurika qui domine Koutaisi, avec un petit jardin suspendu, que nous posons nos sacoches en début d’après-midi, avant d’aller nous balader en ville et aux alentours.

 

08/08/2018 – De Kutaisi à Prometheus Cave – 20 km – D+ = 180 m

Le gérant de l’hôtel parle aussi bien l’anglais que nous parlons le russe, mais comme il ponctue chacune de ses phrases par un « no problem » sans appel, nous ne nous sentons pas obligés de sortir Google Trad pour nous faire comprendre. Si bien que lui ayant demandé, la veille au soir, si nous pouvions rester une nuit de plus dans son chouette hôtel, nous manquons d’avaler de travers nos tartines au petit déj’ lorsqu’il nous demande à quelle heure nous comptons quitter la chambre ce matin !

 » ??? Quoi ? What ? Kakiye ? Ra ?  »

Nous apprenons alors que l’hôtel entier est réservé, et qu’il va falloir partir. Pas moyen de négocier ou de nous trouver un petit coin ? Non, rien, nada, plus de place, mais « no problem » ! Ouai, ouai, c’est ça, no problem, à qui le dis-tu… : à midi, en plein cagnard, le ventre vide, nous reprenons la route, avec une drôle d’équipe aux « big problems » :

  • Seb fait la g… et roule loin devant, en mode « ne m’adressez pas la parole, le bureau des réclamations est fermé » ;
  • Ariane peste contre la terre entière : les hôtels géorgiens, les gérants d’hôtels géorgiens, la méthode Assimil franchement nulle car elle ne comprend toujours rien au russe ;
  • Gaspard marmonne un truc inaudible du style « de toute façon c’est toujours comme ça avec vous, quand on est dans un coin sympa, faut repartir… »
  • Adélie pleure à chaudes larmes, car vraiment « c’est TROP injuste, on aurait pu faire une TROP chouette pause ici ! »
  • Seul Titouan reste impassible devant cette scène : pourvu qu’il ait un pot de Nutella, un ballon de foot et son livre de contes dans ses sacoches, son bonheur est total !
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Dans la ville thermale de Tsalktubo, où Staline aimait séjourner. Des fresques soviétiques ornent encore les murs

Après quelques heures de vélo, nous découvrons Liana, dans l’après-midi, au détour d’un virage, juste avant Prometheus Cave. Un sourire lumineux, elle vend les fruits de son jardin devant le portail de sa maison. Face à son enthousiasme, ne pas s’arrêter serait lui faire offense. Et puis ses figues sont tellement belles ! On lui en prend deux kilos qu’on dévore sous ses yeux. Elle n’en revient pas ! Au moment de repartir vers la grotte, elle nous explique qu’elle loue les chambres de sa maison, si jamais… Notre décision est vite prise, c’est chez Liana que nous nous remettrons de nos émotions du jour.

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Devant la maison de Liana

Ce sera la plus belle soirée de notre voyage. Cette petite dame va se mettre en quatre pour nous faire à manger, nous préparer les chambres, l’eau chaude de la douche, tout en allant traire ses vaches : on voudrait l’aider, mais elle tourne et vire-volte si vite, qu’on a du mal à la suivre.

On laisse toutes nos affaires chez elle, afin de partir visiter la fameuse grotte de Prométhée, avant la fermeture. Longue de 20 km, elle fut découverte en 1983. Seuls 1.5 km sont ouverts à la visite, mais c’est grandiose : une succession d’une dizaine d’Aven d’Orgnac (pour ceux qui connaissent), très concrétionnés. La Géorgie est le pays des spéléos, en possédant 4 des 10 gouffres les plus profonds au monde (mais également le plus profond en Abkhazie). Visite en images ci-dessous :

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09/08/2018 – De Prometheus Cave à Tsageri – 51 km – D+ = 630 m

A partir d’aujourd’hui et dans les jours qui vont suivre, nous allons nous rapprocher de la Svanétie, et de son col qui en défend l’accès par le sud, le Zagari Pass (2620 m). Derrière s’ouvrira alors la chaine du Grand Caucase, à plus de 5000 m.

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Dans la montée vers Tsagéri

Une longue journée de montées, entrecoupée de pluie nous attend. Les vaches, continuellement sur les routes dans tout le Caucase (elles sont plus présentes qu’en Inde, c’est dire !) sont aujourd’hui concurrencées par les cochons.

C’est sous une pluie battante que nous arrivons au village de Tsagéri, et nous trouvons assez facilement une guest-house pour la nuit. Dégoulinant et fatigués, nous n’aspirons qu’à une chose, nous mettre vite à l’abri.

10/08/2018 – Tsageri

Alors qu’il a plut toute la nuit, ce matin l’intensité redouble. Il faut se rendre à l’évidence, ce n’est pas un temps à mettre un cyclo dehors. Nous restons finalement ici pour la journée, en espérant que le beau temps revienne…

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